Présentation de son oeuvre

Les œuvres de Blasco Mentor se situent dans leurs majorités dans l’imaginaire de l’artiste. Son œuvre, peinte ou sculptée, relève d’une esthétique irréelle. Ses créations sont empreintes de fantasmes puissants ou s’expriment ses racines espagnoles : la tauromachie, les Ménines, l’artiste et sa muse, la fête et le spectacle… L’origine espagnole ne procédant pas uniquement de la couleur, ni du choix de la vérité historique, mais relevant d’une fiction artistique personnelle.

Souvent plusieurs sujets sont développés simultanément dans ses toiles, se chevauchant les uns aux autres. On peut remarquer aussi des genres et des courants très divers. S’il  est  parfois  difficile de suivre un ordre chronologique ou hiérarchique des gouts ou des influences selon les périodes, ce foisonnement pictural et cette richesse culturelle sont bien les signes d’ un artiste puissant et imaginatif.

Le 21 Aout 2020

Présentation de l’œuvre de Mentor par Daniel SIMONIN

Daniel Simonin a rejoint l’association des amis de l’œuvre de Blasco Mentor dès sa création. Il a exercé la profession d’avocat à Paris au sein du cabinet international Landwell, dont il deviendra in fine le responsable. Son parcours atypique d’amateur d’art l’a conduit à devenir un excellent connaisseur du milieu, si particulier du marché de l’art contemporain. Il vit actuellement à Nîmes avec son épouse.

Il m’a paru intéressant de mettre à la portée de tous son point de vue.                                                                                                        

BLASCO MENTOR

 « C’est le grand baron du baroque » et « un des derniers princes catalans de la peinture, que Picasso considérait comme un de ses légataires dans l’art moderne – Hervé Bazin .

« ma maison et mon œuvre reflètent la même vision : le goût de la fête et de la dérision   

La Fenice , vernissage

Nous avions des amis, Hélène et Jean Pierre, qui habitaient à Solliès- Pont, près de Toulon que nous connaissions depuis des vacances au Club méditerranée. Nous les voyions régulièrement, malgré la distance qui nous séparait et ils nous ont fait connaître le peintre Blasco Mentor. Hélène était podologue et Jean-Pierre dentiste et ils soignaient les petits bobos du peintre et de son épouse Neige qui habitaient dans le village proche de Solliès- Toucas . L’amitié de Mentor, du « Maître « comme l’appelait affectueusement Hélène pour ce couple et leurs enfants ne s’est jamais démentie.

Mentor a d’ailleurs participé à la décoration de leur belle maison.

 Nous avons été invités au vernissage de l’exposition « La Fenice », à la galerie Guigné, avenue du faubourg Saint Honoré. Quelle expo ! quelle foule, quelle peinture exubérante, baroque, folle, drôle …

C’était une peinture de Venise éblouissante, où de grands tableaux illustraient des opéras joués à « La Fenice » de Venise. « On ne peut aller avec plus de verve et d’invention à l’encontre de l’art actuel «, disait le critique Jean Crespelle . Nous avons eu l’occasion depuis d’aller à Venise visiter ce temple de la musique d’opéra et de connaitre son histoire faite de destruction par incendie et sa reconstruction à l’identique au fil des siècles. Je me suis assis dans la grande loge construite pour l’empereur Napoléon, c’est elle qui est représentée dans le tableau de Mentor.

Je n’ai pas acheté le tableau à la galerie, il était beaucoup trop cher pour moi. Je l’ai acheté plusieurs années après, un premier Avril, ce n’est pas un « joke » ! au téléphone à Honfleur. J’avais vu l’annonce de la vente sur la Gazette Drouot et j’ai demandé au commissaire- priseur des explications sur la toile pour confirmer qu’il s’agissait bien du tableau que j’avais vu à la galerie et qui était représenté sur le carton d’invitation. Il me l’a décrit et ne m’a même pas demandé de RIB (c’était la bonne époque, alors ) et j’ai acheté le tableau pour un prix très raisonnable . La personne qui vendait devait souhaiter la discrétion car elle avait choisi une maison de vente de province, et j’ai su alors que le nombre et la qualité des tableaux proposés auraient justifié de s’adresser à une maison de vente parisienne. Quelle était sa motivation ? l’argent bien entendu, on a toujours besoin d’argent si l’on vend ! ou alors elle ne croyait plus aux artistes qu’elle avait collectionnés et se débarrassait de ses tableaux encombrants quitte à perdre une petite fortune ? je préfère croire à la première hypothèse et puis je lui suis reconnaissant d’avoir bradé ce tableau que je n’aurais jamais pu acquérir dans des conditions normales.

Hélène nous a présenté au « Maître » qui régnait sur tout le petit monde rassemblé pour l’occasion. C’était un homme âgé déjà, le visage buriné, une chevelure grisonnante abondante, un sourire ironique mais bienveillant aux lèvres et des yeux malicieux, fouillant l’interlocuteur du regard. Il a fait le portrait de Marie-Jeanne sur la page intérieure du livre consacré à son œuvre et qui était édité à l’occasion du vernissage. Je me souviens très nettement de Mentor regardant fixement ma femme sous ses gros sourcils, pendant quelques secondes pour déterminer ses traits caractéristiques, sans doute, et puis soudainement, sans aucune hésitation, dessiner en quelques traits son visage sur la feuille blanche. Quelques instants avaient suffi pour capter le regard de Marie-Jeanne. Elle n’a pas changé depuis lors ! et son portrait est dans le salon.

Le Maitre

Pratiquement à chaque visite dans le midi nous allions voir Mentor et son épouse. Nous avons découvert sa fabuleuse maison qu’il avait construite par étapes de façon magistrale et qui est dévoilée dans un numéro de « Résidence » de 1995.

Mentor était une personne truculente, aimant la bonne chère et la bonne chair aussi, lui qui a peint des corps féminins charnus toute sa vie. Il n’aimait à l’évidence pas les maigres !

Je buvais ses paroles : un jour à une brocante, il voit une poterie très tarabiscotée et colorée : « c’est tellement laid que cela en est presque beau « dit- il en s’esclaffant !

Une autre fois, en regardant ses petites sculptures, il dit, » celui-là, (c’était un taureau), avait une queue, et elle est tombée, mais c’est beaucoup mieux comme cela « !

Je lui avais demandé s’il pouvait me peindre un tableau avec pour thème « luxe, calme et volupté «, il n’a pas dit non, mais j’ai compris que cela l’ennuyait et il ne l’a jamais fait. En revanche comme je regardais un de ses tableaux presque achevé, il me dit : « tu le veux ? sûr ? « et hésitant avant de le dédicacer à tous les deux , à ma  femme et à moi , nous demandant du regard , » vous allez rester mariés ensemble ? » il a parié sur le oui et « Le Taureau Amoureux «  est toujours en notre possession , bien accroché dans notre chambre .

J’ai remarqué à cette occasion qu’en général, un peintre ne signe un tableau que lorsqu’il est vendu, c’est le moment où il s’en dessaisit et c’est sans doute une protection car un tableau non signé trouve plus difficilement preneur.

C’est en sa compagnie que j’ai compris aussi que même les grands artistes doutent et craignent le regard des autres sur leur œuvre. C’était le cas de Picasso qu’il a suivi pendant quelque temps lorsqu’il débutait, disait-il. J’ai compris également que même un artiste techniquement doué, comme lui, puisqu’il a commencé à peintre à treize ans en faisant le portrait de son frère, pouvait avoir des problèmes avec sa palette ! un jour il nous rejoint et dit «  je n’y arrive pas « il était en train de peindre une version moderne du tableau de la fin du XVIe  siècle, d’un peintre inconnu de l’Ecole de Fontainebleau , représentant Gabrielle d’Estrée et sa sœur au bain , cette dernière pinçant le téton du sein fardé de rouge  de la favorite de Henri IV . Il y arriva par la suite et c’est un très beau tableau que j’ai vu passer à une vente aux enchères.

Lorsque nous l’avons connu sa carrière était déjà derrière lui, il n’avait plus rien à prouver, il avait exposé dans le monde entier, en Italie, à Milan, au Palais Castiglione il a peint une fresque extraordinaire, en Côte d’Ivoire, en Asie, au Japon … Mais c’est à la Courneuve, à la maison du peuple qu’il a peint la plus grande fresque d’Europe qui actuellement est dans un état déplorable. En France, bien sûr il a exposé à Toulon, Rennes, Saint-Denis, à la Fondation Vasarely, exposition inaugurée par François Léotard, alors ministre de la Culture, à la villa Tamaris à la Seyne –sur –Mer, au Palais des Rois de Majorque à Perpignan et nous étions à l’exposition Mentor au musée Bourdelle, à Paris qui fut une des plus belles   . Il était persuadé, j’en suis sûr, d’être un grand peintre, et s’était retiré dans sa demeure, à l’écart de la lumière médiatique et des honneurs qui vont avec, n’étant plus trop intéressé par le monde contemporain

Il a participé sans le savoir, sans doute, au Salon d’Automne en 2002. Neige avait réservé un emplacement et puis elle avait oublié et elle m’a demandé au dernier moment, puisque j’habitais en région parisienne si je ne pouvais pas amener quelques tableaux au Salon. Les miens de tableaux ! parce que pour les tableaux de Solliès , c’était trop tard . Je me suis débrouillé, j’ai emballé mes tableaux, loué un transporteur et j’ai occupé un petit emplacement au salon ! ce n’était pas génial mais j’ai assuré la présence de Mentor. J’avais un badge d’exposant, c’était « rigolo » et j’ai pu m’apercevoir que le public du salon connaissait Mentor et surtout la « Fenice Rinovata « « a été exposée dans l’allée principale et figure au catalogue édité pour le salon. C’était un salon qui avait perdu de sa notoriété, qui présentait des artistes qui n’étaient pas « à la mode «, et surtout, à mon avis qui exposait un trop grand nombre de peintres et de sculpteurs, de valeur trop inégale. C’est là que je me suis réellement   rendu compte qu’il y avait deux marchés déconnectés l’un de l’autre, un traditionnel, qui a du mal à se renouveler, pour être moderne, et un « in «, médiatique, et financier « qui accaparait toute la lumière.

Mentor avait le souci du public, la crainte du regard porté sur son œuvre, ce qui est diront certains, la caractéristique d’artistes du passé, puisqu’aujourd’hui nos « plasticiens », (au début je croyais qu’il s’agissait d’artistes qui travaillaient le plastic !)   ne créent pas pour le public , même si leur travaux sont présentés à ce dernier , et font de l’œuvre le sujet de l’œuvre , comme cela ils peuvent en parler de façon inépuisable . J’exagère à peine, bien qu’il y ait encore, et c’est heureux des exceptions notables.

Pour Mentor « une peinture n’existe que par vous et autant de fois que votre regard se pose sur elle. A chaque fois vous recréez votre tableau. Si vous le regardez avec complicité, cette peinture vivra, vous parlera et le dialogue s’établira «. Et encore « entre le créateur et le spectateur doit s’établir forcément un état de grâce « 

                                                                                                                

 

Il avait aussi le souci de laisser une trace, il a eu l’idée de créer un lieu qui aurait rassemblé ses œuvres et celles d’autres artistes locaux, qui furent bien sûr enthousiastes à cette perspective, ce qui prouva qu’il jouissait d’une grande aura auprès de ses pairs. Le projet avorta, trop de gens étaient attirés par le succès et l’appât du gain. Il y eut même une tentative de détournement de l’œuvre au profit d’individus mal intentionnés, mais qui échoua fort heureusement.

 Et puis, alors qu’il était en Afrique, Mentor a eu un accident cérébral. Mal soigné sur place, il a été rapatrié à l’hôpital américain à Neuilly, pas loin de chez nous. Je ne garde pas un bon souvenir de notre visite même s’il nous a reconnus quand même, mais il est resté paralysé et incapable de prononcer des mots cohérents.

Un jour chez lui, il nous a fait volontairement, spontanément « de la main gauche «, au crayon, » des portraits rapides des enfants qui nous accompagnaient et de nous deux. Nous sommes peut-être les seuls à posséder de tels dessins, il voulait peut être se prouver qu’il était encore bon à quelque chose, ou alors tout simplement nous remercier de notre visite.

La galerie Guigné qui ne vivait que par et pour Mentor a fermé, peut – être par nécessité ? je ne suis pas à même de juger mais Mentor alors même qu’il était encore vivant n’eut plus de galerie pour le défendre. Ingratitude ?

Alors quel est l’avenir de ce peintre ? l’oubli se dessine s’il n’y a pas de grande exposition dans les années à venir. Il y a peu de tableaux ou de sculptures qui passent aux enchères ! A Arles il y a trois ou quatre ans, de grandes toiles anciennes ont été mises en vente.  

Elles ont trouvé preneurs, mais à des prix relativement bas. La raréfaction de toiles de qualité est accentuée par le fait que les tableaux importants sont bloqués dans la « fondation » et qu’ils ne peuvent être vendus d’après ce que j’ai compris. Et la commune de Solliès-Toucas n’a pas les moyens de faire vivre son œuvre. L’ayant droit est une personne de qualité qui est parvenue à faire exposer Mentor au musée Goya de Castres en 2009, mais elle n’est apparemment pas spécialiste de la communication et ses moyens financiers sont limités, m’a-t-on dit.

Un peintre comme Mentor n’est pas dans les circuits médiatiques et financiers actuels, mais bon ! le passé de Mentor plaide en sa faveur et on peut espérer que les espagnols le redécouvriront un jour. La peinture figurative baroque, saturée de couleur, de vie, et qui porte un regard indulgent, mais ironique sur les travers de notre condition humaine, n’est pas à la mode en France ,  mais  le redeviendra , car je suis sûr qu’il existe un public  sensible à cet art , dont moi !

J’aimerais pouvoir acquérir d’autres tableaux, de la série « des musiciens « ou « du cirque « dans les années qui viennent. Cela a failli arriver le jour où une « femme à la colombe « était mise en vente, mais le commissaire –priseur m’a appelé la veille de la vente pour me dire que le tableau était retiré, c’était un faux !

Mais je suis surtout heureux d’avoir rencontré un vrai peintre, peut être un grand peintre et un homme bon qui aimait la vie.

Daniel Simonin

Extrait de son livre « Les tribulations d’un amateur d’art » Editions de la Fenestrelle- dec 2016-

 

Présentation de l’œuvre de Mentor

 

L’ensemble du travail de Blasco Mentor fait constamment allusion aux coutumes et traditions de son pays d’origine : la Catalogne. Ainsi, ils certifient leurs formes, le sens de l’humour, le style baroque et les couleurs particulières de la corrida.

La peinture de Mentor pourrait être définie comme monumentale, douce, tragique, riche, travaillée, toujours humaine. Tout d’elle reflète son bonheur et ses inquiétudes.

La femme est le thème central de son travail. Le peintre et le modèle est l’un de ses thèmes les plus récurrents, mais les autres passions de Mentor sont la tauromachie, le cirque, le carnaval à Venise , les oiseaux (surtout les pigeons), les musiciens et les artistes de concert. Des sujets qui ont donné lieu à de grandes séries picturales. Toujours par la pratique de la sculpture et du modelage, Mentor a travaillé dans sa quête imperturbable d’une transition personnelle à la réalité.

 

Les amis de l’œuvre de Blasco Mentor

 

Présentation de l’œuvre de Blasco Mentor

Nous devons Mentor, si j’ose dire, à l’obligeance de Franco qui l’avait condamné à mort, à 20 ans pour s’être engagé dans l’armée républicaine… Merci ! Il a vécu un demi-siècle en France où ses toiles, cependant, montrent à l’envi qu’il n’a pas oublié les lumières et les couleurs violentes de son pays. 

Mentor ! C’est un nom qui fut déjà porté par un célèbre sage. A première vue ce Mentor-ci parait surtout un passionné. Mais je suis assez de l’avis de Pierre Mazars (1) qui disait que ce peintre ne prend pas la peinture au tragique, mais qu’il la prend au sérieux. Pour juger le monde qui l’entoure, la sagesse a des moyens forts divers. Lui, Mentor, a choisi la dérision et vous imaginez bien que, de ce fait, mon stylo a de l’amitié pour son pinceau.

Que dit-il, que moque-t-il en fait ? Avant tout les faux semblants, les préventions, les truquages de l’apparence. Son univers d’êtres masqués, des créatures mixtes, aussi étranges que les dieux hindous ou de l’ancienne Egypte, est hautement symbolique. Dans son cirque personnel, l’éléphant, le rhino, la girafe, le singe et le cheval sont des travestis animaliers. Confusion volontaire entre la bête et l’homme ! Et le plus souvent avantage à la première ! Dans l’arène, que la gloire soit d’abord au taureau, tout cuir, contre les ors de son tueur ! S’il joue de la flute, le faune, n’oubliez pas qu’il est à moitié bouc. Quel est ce lion-garçon que menace de sa baguette une dompteuse opulente à chaire de courtisane ? Beaucoup d’oiseaux, dans l’œuvre. C’est qu’en effet l’oiseau est le symbole de la légèreté, de l’indépendance. Or nous n’avons pas d’ailes. Voyez cette autre dame grassouillette, cette magicienne qui, nostalgique fait s’évader d’un gibus renversé tout un vol de colombes dont une partie est déjà perchée sur ses bras. Ici, l’innocence enveloppe la sensualité que provoque ailleurs la virilité des cornes et des trompes.

Techniquement parlant, Mentor a la main sûre. Il pille sa palette. Il enlumine, il bariole, il diapre. Il aime les broderies, les rubans, les dentelles : toute la passementerie de l’arc en ciel, qui flatte l’œil mais exprime aussi la vanité des choses. Prenez garde à ce qui brille : il y a du toc là-dessous. Prenez garde au divertissement qui recouvre une énigme. Mentor peint comme par ailleurs il sculpte : à notre époque, c’est un grand baron du baroque et, ne l’oublions pas, un des derniers princes catalans de la peinture que Picasso considérait comme un de ses légataires dans l’art moderne.

(1)  Écrivain et journaliste, spécialiste d’histoire de l’art

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